La situation de handicap est-elle vraiment considérée aujourd'hui ?
Avez-vous déjà rencontré la réaction suivante : « Mais le handicap est mieux perçu maintenant, non ? Il n’y a plus de problème avec le handicap aujourd’hui, non ? »
1. Comment peut-on comprendre cette phrase ?
Elle sous-entend que les personnes en situation de handicap ne seraient plus montrées du doigt et qu’elles bénéficieraient du même niveau d’accueil dans la société que n’importe quel individu. Puisque nous ne sommes plus dans des fonctionnements archaïques où l’on exhibait alors la différence comme une curiosité, l’on pourrait considérer que celui ou celle qui se trouve en situation de handicap vivrait normalement, comme tout un chacun.
Les handicapés seraient même mieux acceptés parce que notre société serait plus tolérante, plus accueillante envers tous les individus, quels qu’ils soient. Si le regard porté sur la situation de handicap n’est plus une question, cela signifie que chacune et chacun d’entre nous serait à même d’accueillir l’autre avec ses besoins, ses attentes spécifiques, ses limitations.
Avec l’avènement de l’inclusion et de la bienveillance, l’acceptation du handicap ne serait donc plus une question.
On pourrait même penser que la différence de nos jours constitue un moyen de se distinguer. La singularité pourrait être un facteur positif en faisant de vous une personne non-conventionnelle, que l’on identifie et que l’on reconnaît davantage que les autres.
2. Cette phrase est-elle exacte ? Cherchons !
Déjà, de qui parle-t-on ? Les personnes en situation de handicap représentent 14% de la population française (source Insee), soit environ 9 millions de français.
Une étude Opinionway a été menée en 2019 sur un échantillon représentatif de la population française. à propos de leur rapport aux personnes en situation de handicap :
- 60% des interrogés déclarent avoir une réaction positive face à une personne en situation de handicap et affirment ne rencontrer aucune difficulté à échanger avec elle. Cependant, cette perception change lorsque l’on se place du côté des personnes handicapées. En effet, ces dernières affirment ressentir l’indifférence, la pitié ou encore la peur chez leur interlocuteur.
- 44 % des personnes en situation de handicap disent même ressentir de la gêne chez l’autre lors d’une première rencontre. Ce chiffre passe à 56% en cas de troubles moteurs, alors qu’il descend à 36% pour les personnes souffrant d’une déficience sensorielle.
- au niveau de la bienveillance exprimée : 28% des sondés indiquent faire preuve d’empathie. Cependant, seuls 5% des personnes en situation de handicap la perçoivent.
- Propension à la résilience : 79 % des personnes handicapées estiment que le handicap n’est pas un frein à leurs projets de vie contre 63% des personnes valides.
Voici maintenant un autre écart significatif entre personnes valides et personnes en situation de handicap : selon une étude menée par l’INSEE entre 2011 et 2018, les personnes en situation de handicap signalent davantage de menaces et de violences à leur encontre que les personnes valides. Le sentiment d’insécurité est de fait plus grand chez les personnes handicapées que chez les valides.
Sur le plan sociétal, une enquête IPSOS de 2017 démontre que seul un Français sur 10 considère que la société française laisse pleinement leur place aux personnes en situation de handicap mental et psychique. Plus encore, près de deux tiers des Français pensent que la société ne favorise pas l’inclusion des personnes en situation de handicap mental et psychique.
3. Pourquoi tant d’écarts et d’incompréhensions ?
En 2013, dans sa thèse de doctorat de psychologie, Odile HIRSCHAUER – ROHMER s’interroge sur les mécanismes de perception et de compréhension de la situation de handicap par les personnes valides.
Voici ce qu’explique la chercheuse : nous sommes des “agents sociaux » respectant les rôles qui lui sont attribués et les normes sociales en vigueur dans une situation donnée. […] La perception sociale est un processus subjectif dans lequel la place des affects est tout à fait déterminante : il est intéressant de comprendre comment les réactions affectives et le jugement évaluatif des percevants peuvent expliquer certaines conduites sociales.”
Autrement dit, qu’on le veuille ou non, nous sommes les purs produits de notre environnement social. Si l’environnement prône la jeunesse et les corps infaillibles, puissants, alors nous risquons d’avoir des réactions instinctives face à celles et ceux qui n’incarnent pas l’idéal de l’environnement social.
L’étude d’Odile HIRSCHAUER – ROHMER explique également que, par des mécanismes complexes, une personne valide peut tout à fait avoir un ressenti négatif face à la personne en situation de handicap (cette dernière n’est pas dans la norme sociale du corps infaillible) mais en même temps, manifester un comportement positif en compensation. En clair : je ne suis pas à l’aise, j’ai peur, mais je valorise ouvertement pour ne pas sembler discriminant.
Il est clair que ce comportement paradoxal n’aide personne. La personne valide reste empêtrée dans son ressenti social négatif ; la personne en situation de handicap n’est pas considérée avec équité.
4. Dis Handiiz, comment s’en sortir ?
Les études s’accordent sur une première piste concrète et simple. Ça tombe bien, chez Handiiz, on adore l’opérationnel ! Tout simplement, les incompréhensions et les ressentis négatifs s’amenuisent au fil des contacts directs. Ce sont bien les rencontres, les temps d’échange qui permettent l’amélioration des perceptions et des affects.
C’est aussi en ayant l’occasion de côtoyer et d’échanger quotidiennement avec des personnes en situation de handicap que la notion même de handicap devient une donnée secondaire face à ce qui compte vraiment, à savoir la personne humaine. Finalement, le handicap serait à considérer comme d’autres événements, comme la naissance, la maladie, les rencontres, les opportunités.
Deuxième piste pour réagir, encore plus facile à mettre en œuvre !
En effet, nous pouvons agir concrètement sur un domaine accessible 24h sur 24h, 7j sur 7 : nous-même !
Il faut savoir que la notion de handicap renvoie à notre propre vulnérabilité : en effet, nous ne sommes pas certains de rester valides toute notre vie et cela constitue un élément instable et insécurisant de notre existence. En effet, 80% des situations de handicap surviennent au cours de la vie.
Si notre vie est un voyage, une aventure, alors de l’inattendu peut survenir en chemin. Pour être ok avec cette éventualité qui fait partie de l’aventure, voici trois actions concrètes à réaliser :
- action 1 : Se former, s’informer, se tenir au courant pour mieux comprendre : les actions de sensibilisation sont un excellent moyen d’y parvenir. Ces actions peuvent être proposées aux salariées sur leur lieu de travail, lors de webinaires en ligne, au sein des associations.
- action 2 : soutenir toutes les initiatives qui facilitent l’accessibilité des personnes en situation de handicap dans la société : cela peut un jour m’être utile à moi, ou à l’un de nos proches !
- action 3 : adopter la logique de l’inclusion inversée : l’innovation qui profite à la personne en situation de handicap a de fortes chances de te profiter également au quotidien : par exemple, regarde les SMS, inventés dans les années 80 pour faciliter la communication des personnes malentendantes. Aujourd’hui, rien qu’en France, 180 milliards de textos sont envoyés par année ! Comme quoi, l’innovation profite au plus grand nombre et c’est une excellente nouvelle.